Les 5 grands biais cognitifs dans le Tarot

5 juil. 2024

Ils vous jouent des tours, mais en avez-vous seulement conscience ?

Temps de lecture : 6min

Les biais cognitifs sont des déviations de notre traitement de l’information, et donc de notre façon de penser. Le cerveau étant soumis à des milliers, voire des millions d’informations par jour, il est doté d’un système de tri à l’entrée, système évidemment faillible et influençable… Ces failles interviennent lorsque nous sommes amené·es à penser vite, et donc à ne pas laisser de temps à la vérification rationnelle.

Et vous l’aurez deviné, ces failles dans notre système de pensée sont très présentes lorsqu’on touche aux domaines du développement personnel, de la spiritualité, de l’ésotérisme, et tutti quanti…

Qu’est-ce qu’un biais cognitif ?

D’après Le Robert, le biais cognitif est une distorsion dans le traitement d’une information, susceptible de fausser le raisonnement et le jugement. Cette déviation du traitement cognitif nous conduit alors à accorder des importances différentes à des faits de même nature.

Le terme de biais cognitif a été introduit au début des années 1970 par les psychologues Daniel Kahneman et Amos Tversky pour expliquer certaines tendances vers des décisions irrationnelles dans le domaine économique. Mais les études montrerons que nous sommes victimes des biais cognitifs dans tous les domaines. La publicité en a d’ailleurs fait son outil de bataille privilégié : jouer avec notre cerveau et notre raisonnement est un jeu d’enfant !

Rien de tel qu’une petite vidéo pour vous en présenter quelques exemples :

Les 5 grands biais du Tarot (et des pratiques ésotériques plus généralement)

1/ Effet Barnum ou Forer

Je vous en ai déjà parlé ici, et je m’impose de vous le remémorer souvent car l’Effet Barnum est vraiment clé dans les pratiques ésotériques. Il est à l’origine de nos illusions et du renforcement de celles-ci, il est le véritable “magic trick” (tr. : tour de magie) de l’astro et du tarot (et de bien d’autres choses encore) !
Et sur une note plus positive, il est à l’origine de ma façon de vous proposer le tarot, une façon censée contourner ledit biais 🙃

L'Effet Barnum, ou encore Effet Forer ou Effet de validation subjective, c'est un biais cognitif induisant toute personne à accepter une vague description de la personnalité comme s'appliquant spécifiquement à elle-même.

En 1948, le psychologue Bertram Forer soumet ses étudiants à un test de personnalité. Comme analyse personnalisée, il ne va pas utiliser les résultats du test, mais remet plutôt à chacun·e la même description, qu'il a construite à partir d’un recueil d’horoscopes...

Il va alors demander à chaque étudiant de noter la pertinence de l'évaluation de sa personnalité sur une échelle de 0 (médiocre) à 5 (excellent). La moyenne était de 4,6 ! (Rappelez-vous que les étudiants ont tous reçu la même analyse de personnalité).

L'effet Barnum tire son nom de l'homme de cirque américain Phineas Taylor Barnum, connu pour ses talents de manipulateur. Il peut se retrouver dans de nombreux cadres : astrologie, cartomancie, graphologie, numérologie, voyance, mentalisme, pseudo-sciences, politique, séduction, etc.

Vous l’aurez compris, l’agissement de ce biais est simple : il me suffit de vous donner l’interprétation d’une carte de votre tirage, interprétation qui sera large et peu spécifique, pour que vous y rattachiez automatiquement vos expériences personnelles et validiez ainsi que cette carte est “incroyablement bien tombée”.

Pour contrer cela, j’ai pris le parti radical de toujours vous demander ce que vous voyez de vos cartes avant de m’exprimer à leur sujet. Ainsi prise à l’envers, la pratique de la lecture de cartes devient plus intime et plus juste : les cartes sont le reflet de votre vécu, un simple support de projection qui vous permet de poser plus facilement des mots sur vos maux (oui, je l’ai sorti 🫣).

2/ Biais de croyances ou de confirmation

Le biais de croyance réfère à la tendance à se fier à ses croyances pour évaluer une conclusion, au lieu de se référer à la logique et à la réalité. En d’autres termes, il consiste en la formation d’une hypothèse et/ou d’une prise de décision selon ce qu’on désire et ce qu’on se plaît à imaginer.

Le biais de confirmation, lui, désigne notre tendance à minimiser le poids d’informations qui vont à l’encontre de nos croyances et à exagérer celui des informations qui les confirment. En sommes, il consiste à sélectionner les informations qui affirment nos idées préétablies et qui soutiennent nos hypothèses sans tenir compte de la consistance de ces données.

Ces deux biais sont intimement liés et se ressemblent. Ils contribuent à l'excès de confiance dans les croyances personnelles et peuvent maintenir ou renforcer les croyances face à des preuves contraires. Ils peuvent donc conduire à des décisions irrationnelles voire dangereuses.

Si ces deux biais sont extrêmement fréquents lorsqu’il s’agit de politique, ils sont également à notre chevet lorsqu’il s’agit d’ésotérisme. Et c’est tout à fait logique, sachant que l’on baigne dans un domaine de croyances et que la plupart de nos pratiques sont mises en place pour venir les confirmer (”simple, basique”, a dit un jour un grand penseur).

Alors que l’effet Barnum aura déjà eu raison de vous, et ce en vous épatant de part la véracité des descriptions données, vous allez ensuite naturellement sélectionner judicieusement les infos qui vous intéressent, autrement dit celles qui correspondent à vos croyances (à propos de vous-même ou du monde qui vous entoure), et qui viennent ainsi les confirmer. Malin !

3/ Biais de contexte

Ce biais décrit l’influence de l’environnement sur notre comportement et notre perception des choses. Il suppose que les facteurs externes liés à notre environnement (éducatif, social, économique…) peuvent influencer nos décisions et nos émotions.

Il va naturellement s’activer dans le cadre de pratiques ésotériques, amenant les personnes à plus ou moins plonger tête baissée dans ce qui leur est proposé. Ex. : une personne venant d’une famille dite scientifique/cartésienne aura plus tendance à remettre en doute les informations proposées par une astrologue plutôt qu’une personne venant d’une famille où l’astrologie est communément acceptée et validée.

L’exemple est tout bête, mais il est le reflet de pourquoi notre façon de penser est toujours influencée d’une manière ou d’une autre ! Nous sommes qui nous sommes, chacun·e unique mais tous·te influencé·es. En prendre conscience, c’est se détacher un peu de ces biais qui nous jouent des tours.

4/ Effet d’isolation (Effet Von Restorff)

L'Effet Von Restorff, nommé d'après la psychiatre Hedwig Von Restorff, ou Effet d'isolation, prévoit qu'un objet qui se détache d'autres est plus susceptible d'être retenu. Dans la pratique, il consiste à distinguer un élément du reste de son ensemble, afin de le démarquer et en faciliter sa mémorisation.

Il est extrêmement utilisé en marketing et en UX/UI (ergonomie et apparence des sites web), par exemple en utilisant des designs plus visibles pour les boutons d’appel à l’action. Bien entendu, les thérapeutes l’utilisent sur leurs propres sites internet. Quant au domaine du Tarot spécifiquement, ce biais va se mettre à l’oeuvre dans certains cas de figure, dont un en particulier : les “cartes qui font peur”.

J’ai moi-même eu l’exemple plusieurs fois en séance : une personne s’assoit, elle arrive déjà craintive de ce qu’il l’attend (alors que je n’ai souvent rien dit, pas même expliqué ma pratique - cela est donc le reflet de ses croyances liées au Tarot, Alerte biais activés) ; elle tire la carte du Diable —> panique à bord ! Cette carte n’est pourtant pas la seule sur la table, mais c’est la seule qu’elle voit = effet d’isolation.

La conséquence de ce biais est que la personne aura sûrement plutôt tendance à se concentrer sur la signification de cette carte plutôt que sur l’ensemble de son tirage, et donc en tirer une conclusion biaisée de l’ensemble de l’expérience.

5/ Illusion de fréquence

L'illusion de fréquence, également connue sous le nom de phénomène Baader-Meinhof, explique qu’après avoir remarqué une chose pour la première fois, on a tendance à la remarquer plus souvent, ce qui nous conduit à croire qu'elle apparaît fréquemment.

Le terme « illusion de fréquence » (frequency illusion) a été formulé en 2006 par Arnold Zwicky, professeur de linguistique à l'Université de Stanford et à l'Université d'État de l'Ohio. Selon lui, cette illusion est un processus impliquant deux biais cognitifs : un biais d'attention sélectif (remarquer les choses qui sont saillantes pour nous et ne pas tenir compte du reste, un biais très similaire à l’effet d’isolation), suivi d'un biais de confirmation (voir plus haut).

L’illusion de fréquence est le fameux biais cognitif à l’origine des “femmes enceintes partout” lorsque l’on désir un bébé ou de la “voiture de nos rêves” à chaque coins de rue lorsque l’on est en pleine prospection d’achat de ladite voiture.

Ce biais est extrêmement fréquent (sans mauvais jeu de mots) dans la pratique du Tarot : c’est le biais à l’origine des fameuses “synchronicités”, ces folles coïncidences auxquelles on accorde un sens particulier.
Et je vous renvoie ici à l'article Synchronicités magiques ou probabilités mathématiques : une carte qui “ne cesse de se répéter” défie-elle vraiment les lois de probabilités ou est-elle simplement interprétée comme telle du fait d’un biais cognitif ? À vous d’y répondre, selon vos croyances bien sûr 😉